Vous êtes ici :

4 mars 2018 – une année déjà

Il y a un an, les citoyennes et citoyens suisses votaient à 71,6% contre la disparition du service public audiovisuel en rejetant l’initiative « no billag ». La Suisse Romande a rejeté l’initiative plus largement encore avec une moyenne de 75,9%.

Peu avant la votation, le SSM relevait que le personnel de la SSR avait été le grand absent de la campagne. C’est encore vrai aujourd’hui s’agissant des « réformes » à mener à la SSR dans le sillage de la votation. Le personnel est encore cet acteur clé auquel la presse écrite n’a jamais donné la parole, y compris à travers son syndicat, alors qu’elle donne volontiers une tribune à la direction de l’entreprise. Les projets de réforme sont ainsi présentés au grand public sans qu’ils ne puissent jamais être mis en question par les professionnel-le-s de terrain, les mieux placés pour anticiper les problèmes.

La SSR a-t-elle retenu la leçon « no billag » ? Pas sûr. En Suisse alémanique, la direction générale a fâché beaucoup de monde avec sa décision de délocaliser le studio radio de Berne à Zurich, camouflet à tous ceux qui avaient défendu l’ancrage régional de la SSR. Si l’on en croit la presse alémanique, le projet était jugé peu intéressant économiquement par Gilles Marchand, mais aurait été néanmoins poursuivi pour éviter qu’à l’avenir le personnel et les politiciens aient voix au chapitre pour contester la liberté d’entreprise de la SSR. C’est pourtant précisément cette posture, souvent qualifiée d’arrogante, qui a creusé le sillon des attaques politiques contre l’entreprise de service public, dont l’initiative « no billag » a été le paroxysme.

« Plan R » : le refus du fatalisme

Ne pas revivre le plan d’économie « 16+ » : c’est ainsi qu’en Suisse romande et au Tessin, le personnel a refusé de se contenter de la « boîte à idées 4.0 » (autrement dit une adresse mail) mise en place comme il y a trois ans par la direction de la SSR. Les régions latines ont défendu l’idée que les employé-e-s de la SSR ont les compétences, le savoir-faire, l’expérience pour imaginer, collectivement, des mesures d’économie qui ne touchent pas aux places de travail, à la masse salariale, aux conditions de travail.

Si la direction de la RSI n’a pas fait confiance à son personnel, l’accord négocié à la RTS a permis la mise à disposition par la direction des informations nécessaires au travail de consultation. En Suisse romande, la balle est désormais dans le camp de la direction. Le personnel a démontré que la RTS pouvait faire face à son objectif d’économies de 13 millions sans toucher à l’emploi. Renoncer aux licenciements, aux réductions de taux d’occupation et aux mises en retraite anticipée non volontaire serait faire preuve d’intelligence car de toute évidence, la direction a besoin d’une forte adhésion du personnel pour réaliser son projet d’entreprise sans trop d’embûches.

Les suites données à la consultation du personnel menée au mois de janvier à la RTS aura valeur de test car d’autres projets sont en préparation. Le plus conséquent se nomme « campus », un projet plusieurs fois revu, dont les occupants ont récemment changé avec l’annonce du regroupement des rédactions Actu sur le site de l’EPFL à Lausanne. Le départ de l’Actu de Genève suscite la grogne des autorités, et le nombre de contrats à modifier laisse augurer d’une augmentation sensible des problèmes humains que la direction va devoir gérer.

Quant au projet immobilier, il a été jugé cher (il est estimé aujourd’hui à 110 millions, soit plus que l’ensemble des économies annoncées par la SSR) et pas assez modulable, au vu des incertitudes concernant la production audiovisuelle de demain, par la consultation du personnel, qui recommande d’en étudier une version moins coûteuse et plus flexible.

Pour la direction, écouter et suivre les propositions du personnel aujourd’hui, c’est peut-être s’épargner des problèmes demain.

Et maintenant ?

Après plusieurs mois consacrés d’abord à faire campagne, puis à préparer la consultation du personnel et enfin à l’organiser pratiquement, le SSM va pouvoir s’attaquer aux dossiers syndicaux intérieurs : surcharge de travail, protection de la santé, évolution des salaires.  

En fin d’année, les partenaires sociaux renégocieront la CCT. Ce sera l’occasion de vérifier si la SSR partage nos préoccupations ou si elle a d’autres priorités. A voir l’incapacité de la direction de la SSR à assumer et défendre la prise en charge de la redevance pour son personnel, et les difficiles négociations autour de la compensation de sa suppression, il serait souhaitable que la direction générale améliore sa connaissance du terrain et de la réalité des conditions de travail de ses employé-e-s avant d’entamer les discussions autour du renouvellement du contrat collectif.  

Et ailleurs ?

Une année jour pour jour après la votation, ce 4 mars 2019, la SSR a organisé, conjointement avec l’Office fédéral de la Communication, la Commission fédérale des médias et la Société suisse des sciences de la communication et des médias à Berne, la première édition de l’International Public Media Conference.

Cette journée a réuni « des intervenants de renom et des parties intéressées venus de Suisse et de l’étranger pour échanger sur l’avenir des médias audiovisuels de service public et sur leur rôle dans la société ». À noter qu’une fois encore le personnel est le grand absent de cette journée de réflexion. On trouve parmi les participants, entre autres, Noel Curran, directeur général de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER), où une privatisation récente donne lieu à des licenciements et un climat délétère, et Jean-Paul Philippot, administrateur général de la Radiotélévision Belge Francophone (RTBF), mis en cause par les syndicats belges pour sa politique d’emplois précaires dans la production de l’information.